De quoi ça parle ?

Il y avait l’argent… l’éternelle "bonne raison" de trahir. Mais il y avait aussi "cette dinde de Marie-Madeleine", et puis ces miracles un peu surfaits - dont on n’est d’ailleurs scientifiquement pas très sûrs. Il y avait ce désordre continuel autour de Jésus, cette improvisation systématique qui agaçait. Et puis si vous croyez que la Bible vous a tout dit ! Rien n’allait tout seul, en fait…

Voilà, en résumé, le Judas de Claudel.

Qui tente vainement de se justifier, de défendre l’infâme trahison à laquelle il vient de se livrer… ou plutôt par laquelle il vient de livrer son Maître, le Christ. Un Judas épris d’ordre et de rationalité, de justice et d’évidences, de choses prévues et bien réglées. Un Judas bien helvétique, pourrions-nous dire ! Un Judas des agences de notation, Moody’s ou Standard & Poors, un Judas qui met des notes à Jésus, et qui les abaisse de plus en plus. Un Judas qui nous ressemble parce qu’on se trouve, nous aussi, toujours de "bonnes raisons" pour trahir. Quand ce n’est pas trahir Dieu, c’est simplement se trahir soi-même. C’est déjà beaucoup.

Judas tente de nous convaincre qu’il ne pouvait pas faire autrement. L’argent venait à manquer, vous comprenez ? Et on se prendrait presque à vaciller avec lui du côté obscur de la force. Mais, peu à peu, l’esprit malade du traître se fait jour, et la folie s’installe inexorablement jusqu’à la pendaison finale. Alors, même la corde de l’instrument cesse de jouer, dans un dernier accord dissonant.

Cela nous renvoie à nos propres trahisons, à nos lâchetés, à nos besoins de justifications incessantes. Judas, dans le texte de Claudel, est un redoutable miroir qui nous est tendu. Une occasion, au temps du Carême, de réfléchir à nos refus de Dieu… et à quoi ils nous mènent, une fois poussés à bout. Une occasion de nous interroger sur l’incessant besoin de profits de notre société, sur le règne de la rationalité scientifique aussi. Claudel a signé là, jadis, un texte redoutablement actuel et moderne.

Le violon de Gabrielle Maillard s’accorde avec la voix et le jeu scénique de Vincent Lafargue pour donner à ce texte de Paul Claudel une dimension dramatique supplémentaire. La mise en scène d’Hugo Stern donne à l’ensemble un mouvement incessant bienvenu. On est, dès lors, très loin d’un "monologue" au sens où on l’entend habituellement…

Proposé au public depuis février 2012 dans plusieurs paroisses de Suisse romande, on ressort de ce spectacle un peu sonné, en ayant l’impression d’avoir pris un coup de poing en pleine figure. Salutaire, le coup de poing. Et les tripes retournées par ce Judas qui, tour à tour, nous fait honte ou nous fait rire, nous fait pitié ou nous énerve, et dont on aimerait tant retenir le geste final en lui disant que Dieu, forcément, lui a déjà pardonné…

Avis des spectateurs

[...] le Judas de Claudel nous renvoie à nos propres trahisons, à nos lâchetés, à nos besoins de justifications incessantes. Judas, dans le texte de Claudel, est un redoutable miroir qui nous est tendu. Une occasion, au temps du Carême, de réfléchir à nos refus de Dieu… et à quoi ils nous mènent, une fois poussés à bout. Une occasion de nous interroger sur l'incessant besoin de profits de notre société, sur le règne de la rationalité scientifique aussi. Claudel a signé là, jadis, un texte redoutablement actuel et moderne. Pascal Tissier, Service d’Information Catholique (SIC), pour l’agence Apic

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